La libre consultation par l’employeur des SMS d’un salarié sur son téléphone portable professionnel,
ou la chronique d’une jurisprudence annoncée. Première partie
En énonçant le 10 février 2015, que les « messages écrits (« short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels. », la chambre commerciale de la Cour de cassation ne fait que confirmer et prolonger le régime juridique jusqu’ici élaboré en matière d’utilisation des outils informatiques par le salarié à des fins non professionnelles.
A la lecture de cet arrêt et de ceux qui l’ont précédé, il ne peut qu’être constaté le long chemin parcouru depuis l’affirmation du principe de la vie personnelle du salarié sur son lieu de travail par le célèbre arrêt Nikon du 2 octobre 2001
1) L’arrêt Nikon ou la consécration de la vie personnelle du salarié sur son lieu de travail
Dans ce célèbre arrêt de principe Nikon précité[2], la Chambre sociale de la Cour de cassation avait consacré le principe de la « vie privée personnelle du salarié sur son lieu de travail », en considérant sur les fondements des articles 8 de la Convention européenne des Droits de l’homme, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile et l’article L. 120-2 du Code du travail que le salarié avait le « droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. » .
En d’autres mots, par cette jurisprudence, la Chambre sociale de la Cour de cassation consacrait la vie personnelle du salarié sur son lieu de travail, en distinguant entre d’une part l’accès aux fichiers professionnels par l’employeur qui est tout à fait libre, et d’autre part l’accès aux fichiers déclarés personnels qui sont pour leur part inviolables.
Cet arrêt avait ainsi des conséquences essentielles en matière d’administration de la preuve. En l’espèce, la Cour a ainsi considéré que les documents obtenus par l’employeur en consultant l’ordinateur du salarié ne pouvaient être valablement utilisés à l’appui d’un licenciement pour faute grave.
Ce principe, extrêmement décrié à l’époque par les employeurs, a néanmoins fait l’objet au fil des années de nombreuses restrictions qui ont eu pour effet, si ce n’est de vider totalement le principe de sa portée, du moins de l’encadrer strictement.
La suite mardi prochain…
Laura Frangialli Guerin pour Welaw Avocats Paris 17
[1] Cour de cassation, Chambre sociale, 2 octobre 2001, n°99-42.942 [2] Cf supra note1